Que c'est beau... oui ! de voir ces femmes et ces hommes pieds et mains nus, en contact direct et brut avec cet arbre.
C'est si beau de voir ces hommes et femmes tâtonner, chercher... et puis... trouver leur équilibre, leur position, leur direction... et finalement... leur place, sur cet arbre.
Cet arbre est si grand et déployé. Si attirant ! Peut être réconfortant?
Les personnes ont l'air heureuses,
et tout cela est si bon à regarder....
Simplement.... au delà de cet effet doux et tendre que cette scène peut produire, et qui me fait sourire avec plaisir et en grand sur la photo,
dans le fond je me sens gênée... parce que aussi habitée par cette question :
"L'arbre est il "d'accord avec notre jeu "?"
Cette question peut paraître aussi simple qu'elle n'est vertigineuse pour bon nombre d'entre nous.
C'est pourtant par cette "simple" question,
et l'écoute de sa réponse, que nous amorçons l'expérience d'une connexion profonde et sacrée avec l'arbre, avec la nature.
Oui, poser cette question à l'arbre vient grandement remettre en question nos repères, les fondements de notre civilisation de séparation, ultra-matérialiste et anthropocentrée.
Poser cette simple question est radicalement bouleversant parce que, aussi "courte" soit elle, elle vient balayer des strates et des strates de fondamentaux culturels et spirituels qui nous coupent de.
Se laisser traverser par la réponse, c'est souvent encore plus troublant pour nos croyances et limitations intellectuelles et intuitives.
Oser poser la question, cela me demande de reconnaitre qu'il y a un être vivant là.
Oui, ce n'est déjà pas rien...
Mais écoutant sa réponse, cela me demande de reconnaitre ma capacité de pouvoir la recevoir.
Et là, c'est souvent énorme. Pourquoi énorme? Parce que cela ouvre un pan immense de capacités non révélées, dont je n'ai même pas conscience. L'inconnu effraie en général, l'inconnu du monde sensible intérieur davantage encore dans notre culture.
Parce qu'il fait echo à cette "intelligence" qui surgit de l'instinct. L'instinct du corps notamment. Et cet instinct, quand on ré apprend à l'écouter, nous relie directement à 'lénergie indomptée de la Nature.
Oui?
Or, qui peut ensuite s'essayer à domestiquer l'indomptable?
C'est là toute l'histoire d'une société qui s'est établie sur un rapport de dominance et d'exploitation dont les 1ers véhicules de cette énergie ont terriblement soufferts et souffrent encore : les femmes diabolisées et réduites au silence, les peuples natifs exterminés, les enfants mis bien en rang ordonné sur les bancs de l'école.
De quelle capacité éteinte est il question?
Réellement, je pourrais entendre l'arbre me "dire" si l'arbre cela conviendrait ou non, que je m'approche de lui? Je pourrais le comprendre??
Mais alors... si je comprends l'arbre.... alors je peux....
Oui. Tout entendre.
Parce que oui, en mettant de côté le mental, le doute, le jugement, l'auto critique...
je ressens la réponse. Aussi brute qu'évidente.
Oui, c'est "déroutant" au sens littéral.
Pourtant, c'est par ce 1er pas que peuvent commencer nos réajustements internes, la réactivation de nos mémoires ancestrales, logées dans nos cœurs dans notre corps, dans notre esprit tendre et féroce, bridés jusqu'à l'étouffement.
Ce 1er pas, c'est celui vers le retour à notre place initiale, en dehors de tout dogme spirituel, religieux, politique, culturel, tel que nous l'enseignent les peuples natifs.
Celle de "protecteur.ice" de nos "territoires de nature".
Parce que naturellement, autant de connexions nous rétablissons avec les êtres vivants de notre maison de nature proche, autant nous retrouvons notre instinct rebelle de protection à toute tentative extérieure de lui nuire.
Il n'y a (plus) rien à craindre à poser la question à "votre" arbre.
Les bûchers des sorcières sont éteints, même si comme le dit Starwhak, l'odeur de leurs fumées n'a cessé de nous hanter et reste nauséabonde encore aujourd'hui.
Ce qui est fascinant c'est qu'il n'y a qu'un pas.
Il n'y a qu'un pas.
Une fois celui-ci franchi, on réalise ce que l'on laisse derrière soi et ce que l'on guéri : les profonds stigmates entaillés par la/notre domestication.
Et en regardant "devant", on entrevoir l' infini possible des expériences de connexion avec tous les êtres de la nature.
Prendre conscience de cela, au début, cela peut générer des sentiments ambivalents : par exemple, entre désarroi et joie intense parce que cette expérience nous mène à une prise de conscience tragique. Par le vécu, on réalise pleinement l'abysse qui a été creusée entre nous et disons... ce sauvage en nous.
On comprends combien cette abysse est aussi grande que ne l'a été la force de son refoulement.
Et alors que ce drame affleure notre conscience,
notre sentiment de solitude et d' isolement, si prégnants pour beaucoup d'entre nous en ces temps de pandémie, tombe et fait place dans le même temps à une vibrante, exaltante nourriture de vie !
A chaque instant, je réalise que je peux m'ouvrir à la nature et tous ces êtres, demander, recevoir, redonner en retour. Vibrer ensemble d'une communication vivante.
Simplement, il est si déterminant pour l'expérience de se rappeler combien notre état intérieur infléchira sur la qualité de la connexion avec "votre" arbre.
Respect,
Humilité,
Gratitude.
Voici les merveilleuses clés d'accès à l'"autre vivant".
Et rien que par ces clés si porteuses en elles même de sagesse et de coeur, on comprend combien la connexion profonde et sacrée à la nature est une initiation intime.
Respect.... sincère.
Humilité.... sincère.
Gratitude... sincère et vibrante.
Pourquoi une initiation?
Parce que chacun de ces mots évoque une expérience intérieure qui nous semble parfois si étrangère à nous même tellement les stigmates de notre domestication nous en ont éloignés.
Sans far, la nature répondra juste là où nous sommes et avec ce que nous sommes.
Pas plus, pas moins.
Il n'y a (plus) rien à craindre autrement que la découverte de nous même et de l'infini des possibilités qui nous sont offertes une fois ce pas re passé.
Chaque saison apporte ses êtres.
Chaque règne, ses médecines.
Chaque direction, ses esprits.
Chaque territoire, ses mémoires.
Tout cela s'ouvre à soi.
La nature nous attend en quelque sorte. On le comprends lorsque l'on amorce notre connexion profonde et sacrée avec elle.
Où est le/la protectrice de mes espaces et de mes communautés d'êtres vivants?
Où se trouve celle.celui qui me re connait, me magnifie?
Quand retrouverai-je ma compagne/compagnon de beauté et de création?
Là, maintenant, à cet instant même de la fin de la lecture de ce texte, il n'y a qu'un pas à faire pour passer ce seuil.
En espérant que nous serons de plus en plus nombreux.
Julie Cabot Nadal
La canopée bleue
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